Mémorial de Montormel

Luttich – La contre-offensive allemande

© Jacques Wiacek

Réorganisation alliée

Le succès de Cobra et la quantité de plus en plus massive de troupes débarquées sur la tête de pont normande permettent au haut commandement allié de procéder à la réorganisation de ses unités en créant deux nouveaux groupes d’armées :

  • Le 21e Groupe d’armées britannique est créé pour encadrer la 1ère armée canadienne, dont l’activation était effective depuis le 23 juillet. La 1ère armée canadienne devient à cette date la première unité de cette taille dans l’histoire du Canada, qui plus est à combattre à l’étranger. Elle doit être rapidement amenée à jouer un rôle de premier plan dans l’avance sur Falaise et la fermeture de la Poche de Falaise-Chambois.
  • Le 12e Groupe d’armées US est créé sur la base de la 1ère armée US, renforcée depuis le 1er août par l’activation de la 3e armée de Patton. Jusque là, le bouillant général jouait un rôle secondaire dans l’opération de désinformation Fortitude, avec la mission de faire croire l’ennemi à l’existence d’un « premier groupe d’armées américain » et confirmer ainsi les fantasmes d’Hitler sur la possibilité d’un débarquement dans le Pas-de-Calais. Cette opération ayant été couronnée de succès, Patton peut revenir à des occupations plus conformes à sa vraie nature. Sa furieuse charge blindée doit le conduire en à peine deux semaines sur les berges de la Seine…

Contre-offensive allemande

La brèche ouverte à Avranches représente un danger vital pour l’armée allemande en Normandie. En effet, après la 1ère Armée de Bradley – entre temps confiée à Hodges, Bradley lui-même étant nommé à la tête du 12Groupe d’Armées – c’est la 3e Armée du général Patton qui s’engouffre dans le passage avec 7 divisions. La situation évolue très vite : les Américains se ruent sans rencontrer de résistance vers la Bretagne et la Loire, et le danger le plus grave du point de vue allemand est le 15e Corps d’armée, qui marche sur Le Mans, c’est-à-dire sur leurs arrières.

Face à cette situation, 2 options s’offrent à Hitler. La première consiste à se replier sur une ligne Seine-Suisse, susceptible d’offrir des possibilités de défense cohérentes. La seconde est d’essayer de combler la brèche par une contre attaque visant à reprendre Avranches et arriver jusqu’à la baie du Mont Saint-Michel.

Contre l’avis de ses généraux qui penchent de manière réaliste pour la première option, c’est la seconde option qui est retenue par Hitler. Le plan, baptisé Lüttich, est simple : attaquer par surprise, de nuit, et progresser d’une cinquantaine de kilomètres afin de couper en deux le corridor d’Avranches. En conséquence, des unités blindées d’élite sont rassemblées à l’Est de Mortain. Les forces planifiées pour l’opération sont les divisions SS Leibstandarte et Das Reich, ainsi que des éléments de la 116e PzD, les restes de la 2e PzD, et la poignée de survivants de la Panzer Lehr.

La réalisation est confiée à Von Kluge, réticent à cette initiative aux chances de succès peu réalistes. Conscient que chaque jour accentue un peu plus la quantité de troupes pénétrant sur ses arrières, Von Kluge décide de ne pas attendre d’hypothétiques renforts et déclenche l’attaque à minuit le 6 août. Or, avant même son déclenchement, l’opération est sérieusement compromise.

D’une part, parce que les Alliés ont déchiffré les messages codés précisant les déplacements de troupes : l’effet de surprise est donc supprimé.

D’autre part, parce que l’offensive ne démarre qu’avec une partie des troupes affectées : Von Kluge ayant précipité l’attaque, un gros détachement de la Leibstandarte n’est pas arrivé, tandis qu’une autre partie souffre des attaques aériennes, perdant plus d’un quart de l’effectif initial au cours de sa montée au front ; quant à la 116e PzD, son bataillon de chars n’arrive jamais sur le champ de bataille, son commandant préférant désobéir aux ordres que de sacrifier inutilement ses précieux blindés.

Le 6 août, à minuit, les Allemands organisés en deux colonnes lancent 150 chars à l’attaque des lignes américaines. Malgré l’absence de préparation d’artillerie, les éléments de la 2e SS Das Reich (colonne Sud), bousculent rapidement la 30e DI, dont certains bataillons sont isolés et doivent combattre encerclés pendant plusieurs jours sur la cote 314. Bombardée la nuit par la Luftwaffe pour une fois présente, Mortain est reprise au cours de la nuit.

Au Nord, la seconde colonne constituée principalement de la 2e Division blindée a dû rencontrer une résistance moindre. Effectivement, elle enfonce les lignes américaines de plus de 10 km, mais se heurte ensuite à la 9e DI à 3 km de son objectif. L’arrivée en renfort d’éléments tant attendus de la 1ère SS ne permet pas de débloquer la situation tout au long de la matinée.

Or, à midi, l’épais brouillard qui bloque toute action de l’aviation alliée commence à se dissiper. Dès lors, l’omniprésence des chasseurs bombardiers Typhoon hypothéque la poursuite de l’offensive : les salves de roquettes frappent les véhicules exposés à découvert. En quelques heures, Von Kluge perd près de la moitié des blindés engagés dans l’opération Luttich ainsi qu’une partie de ses dernières troupes d’élite SS. La contre-offensive allemande avait vécu.

L’échec de Mortain laisse le XLVIIe corps blindé allemand enfoncé en pointe dans le dispositif allié. En dépit du bon sens, Hitler refuse toujours de reculer ses positions vers l’est, ordonnant à ses blindés à court de carburant de tenir leurs positions. Les combats se prolongent donc au cours des journées suivantes, mais il est clair que les forces allemandes se sont enfoncées dans un piège – en déplaçant leur centre de gravité à l’extrémité ouest du front, elles ne laissent plus qu’un rideau de troupes au nord et au sud. L’opération Totalise, lancée par les Canadiens sur la route de Falaise, s’efforce de les prendre à revers.

Auteur des contenus : Jacques Wiacek