Bluecoat – La progression britannique
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Position britannique
Depuis le 6 juin, la progression des unités anglaises a de quoi frustrer. Alors que les Américains étendent leur tête de pont, coupent le Cotentin, capturent le port de Cherbourg et se retournent vers le sud, Britanniques et Canadiens progressent lentement. La rive nord de Caen – objectif du jour J ! – n’est prise que le 8 juillet, et il faut dix jours de plus pour dégager les abords sud de la ville.
Cette apparente lenteur n’est pas sans raison. Conscient de la valeur militaire des Britanniques et souhaitant à tout prix conserver Caen, Hitler a concentré devant la 2e Armée de Dempsey les trois quarts de ses unités d’élite – blindés et troupes SS.
Les opérations montées par Montgomery se heurtent toutes à cet obstacle. Lors de l’opération Espom, fin juin, le 8e Corps se trouve ainsi confronté à l’ensemble du 2e SS-PanzerKorps…
La disposition des forces ennemies entraîne les Alliés à se répartir les rôles : tandis que les Britanniques fixeraient les forces allemandes dans le secteur de Caen, les Américains effectueraient les gains de terrain à l’ouest.
Dans cet esprit, une fois la percée obtenue avec l’opération Cobra, les Britanniques passent à l’attaque pour empêcher les Allemands de se porter sur le corridor d’Avranches. L’opération, baptisée Bluecoat, a pour objectif de protéger le flanc gauche des Américains en poussant sur la région au sud de Villers-Bocage et de Caumont. Dempsey planifie une attaque classique, incluant :
- A l’ouest, le 8e Corps, composé de la 11e DB Taurus pursuant, de la division blindée Guards, et de la 15e division écossaise. Son objectif : Vire.
- A l’est, le 30e Corps, avec la 7e DB Desert Rats, la 43e Wessex et la 50e Northumbrian. Son objectif : Mont-Pinçon.2
Cette attaque doit être coordonnée avec l‘avancée de la 1ère Armée américaine (Hodges). Alors que Patton et sa 3e Armée pénètrent en Bretagne, Hodges progresse vers l’Est, agrandissant ainsi l’épaisseur de la brèche d’Avranches : Villedieu est libéré le 2 août, Mortain le lendemain…
Deux corps d’armée dans la bataille
L’opération Bluecoat est lancée le matin du 30 juillet. Sur le front du 8e Corps, la 15e Division d’infanterie (DI), qui mène l’assaut, est initialement retardée par la profondeur des défenses adverses, mais parvient à les surmonter et à progresser en direction de la cote 309.
En chemin, la 6th Guards brigade qui assurait son soutien blindé subit la contre-attaque de 3 Jagdpanthers du s. PanzerJager Abt. 654, et ne parvient à les mettre en fuite qu’après avoir perdu une dizaine de Churchill…
Un peu plus à l’ouest, la 11e DB réussit à s’emparer de Saint-Martin-des-Besaces le 31 juillet. La chance sourit aux audacieux : un pont, laissé sans surveillance par les Allemands permet aux éléments avancés du 2nd Household Cavalry de traverser la Souleuvre en début d’après-midi.
Cette progression rapide commence à créer une brèche dans les défenses allemandes. Von Kluge se voit obligé d’engager ses dernières réserves – en l’occurrence, la très affaiblie 21e PzD – dans l’espoir de maintenir la ligne de front. Malgré sa faiblesse, elle parvient à ralentir la progression de la Guards, engagée plus tardivement dans l’opération, au sud de Saint-Martin-des-Besaces.
La situation est beaucoup moins brillante du côté du 30e Corps. Les Allemands ont couvert l’axe d’attaque britannique de champs de mines, et l’attaque initiale de la 50e DI s’enlise à moins de deux kilomètres de la ligne de départ. La 43e DI est pour sa part arrêtée devant Cahagnes. Souhaitant relancer l’offensive, Bucknall, commandant du 30e Corps, engage prématurément la 7e DB, qui se retrouve emmêlée avec l’échelon arrière de la 43e DI, et ne peut progresser que de quelques kilomètres malgré l’absence d’opposition ennemie. Pire, le 3 août, une contre-attaque de la 10e SS-PzD rejette les Desert Rats sur leurs positions de départ.
Malgré la capture de Jurques par la 43e DI, les derniers échecs de la division blindée exaspérèrent Montgomery, qui fait limoger Bucknall et Erskine (commandant la 7e DB). Ces mesures radicales ne portent pas leurs fruits immédiatement, et ce n’est que le 5 août que le 1st Tank Regiment atteint finalement ce qui reste d’Aunay-sur -Odon. Le lendemain, la 43e DI se rue à l’assaut en direction de son objectif principal, le Mont-Pinçon, et est initialement arrêtée par le feu nourri des mitrailleuses allemandes. Les pertes montent, avant que la découverte d’un sentier non gardé ne permet au 13/18th Hussars d’ouvrir la voie vers le sommet, où il est rejoint par l’infanterie de la Wessex.
Sur le front du 8e Corps, l’établissement de la tête de pont sur la Souleuvre permet de développer l’offensive. Le 2 août, une colonne de la 11e DB (23rd Hussars, 3rd RTR, 4th Shropshire) s’avance vers Le Désert et Presles, rencontrant une vive résistance de la part de la 9e SS-PzD. De son côté, une seconde colonne (Fife and Forfar, 3rd Monmouthshire) part en direction de Burcy et atteint Pavée à la nuit tombante. Ces développements amènent Dempsey à jeter dans la bataille la 3e DI, transférée de Caen, qui progresse désormais vers la jonction avec les Américains.
Malgré les contre-attaques allemandes, qui incluent les 9e et 10e SS-PzD, mais aussi des éléments totalement hétéroclites comme des bataillons mongols des Osttruppen, les objectifs saisis demeurent aux mains des Britanniques. Toujours en tête, la 11e DB libère le bourg de Saint-Charles le 5 août, au prix d’une dizaine de chars perdus. La capture de Vire ayant finalement été confiée aux Américains, le 8e Corps prolonge son offensive en direction de Condé-sur-Noireau et Flers, le 30e se dirigeant désormais vers Thury-Harcourt.
Même si elle est coûteuse, la progression de O’Connor permet d’obtenir des résultats imposants. Premièrement, elle permet d’accrocher efficacement les forces allemandes, laissant les Américains libres de s’enfoncer dans la brèche d’Avranches. Deuxièmement, elle oblige Von Kluge à engager ses dernières réserves, et, en préparation de la contre-attaque sur Mortain, à retirer ses troupes derrière l’Orne jusqu’à Thury-Harcourt. Le 12e Corps en profite immédiatement : dès le 4 août, ses 53e et 59e DI s’emparent de la cote 112 et de Villers-Bocage, objectifs inatteignables malgré les efforts inouïs des deux mois précédents…
Au terme de la première semaine d’août, l’axe stratégique de l’avancée britannique s’est déplacé. Lorsque Bluecoat s’achève le 6 août, les Américains ont largement contourné le front allemand et approchent du Mans. Plutôt que de se contenter de repousser l’ennemi, il s’agit désormais de déboucher sur ses arrières avant qu’il n’ait le temps de se replier derrière la Seine. L’idée de refermer les 5e et 7e Armées dans une nasse commence à germer dans l’esprit du haut commandement allié…