21 Août 1944: La fin de la 7ᵉ armée allemande
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Derniers combats
Malgré cette situation défavorable, les tentatives allemandes pour sortir de la poche continuent. Pendant la nuit du 19 au 20 août, par groupes compacts, toutes sortes de troupes montrant toute l’étendue du parc mécanique et hippomobile de la Wehrmacht, souvent à plusieurs de front, montent vers les positions polonaises, où elles se heurtent à un feu nourri.
Avec la fin de la nuit, plusieurs attaques lancées par des unités mieux organisées ont débouché sur les positions polonaises, essayant de venir à bout des défenseurs de la cote 262. Bien que brutalement repoussées, elles marquent l’introduction à cette sanglante journée.
Tôt le matin, quelques C47 Dakota parachutent des containers de munitions, mais en raison d’une erreur de navigation, la plupart d’entre eux tombe sur les positions canadiennes sur la colline 240. Cette tentative manquée s’avère particulièrement agaçante, alors que les attaques allemandes reprennent au matin avec une violence accrue.
Même si elles manquent de coordination après deux jours de combat impitoyables, ces attaques menacent à nouveau le périmètre polonais, et ne sont repoussées que par l’appui massif de l’artillerie, à quelques mètres à peine des tranchées. Les chars des régiments blindés utilisent leurs derniers obus pour terminer le travail de l’artillerie.
Juste avant midi, un dernier assaut est lancé par des troupes SS (peut-être de la 12e SS-PzD) sur le 9e bataillon de chasseurs, surplombant l’église de Coudehard. Pour économiser leurs munitions, les chasseurs laissent les Allemands approcher, et ne déclenchent leur feu qu’au dernier moment. Cet affrontement sont particulièrement sauvage, et bientôt, des dizaines de corps allemands s’empilent autour de l’église.
Il est midi lorsque les premiers chars du Canadian Grenadier Guards arrivent en face de Boisjos, bien qu’un mince rideau de troupes allemandes les sépare toujours des Polonais.
Pour effectuer la jonction, une partie de défenseurs de Maczuga se rue, baïonnette au canon, dans une charge sanglante.
Rapidement, cette attaque bouscule les Allemands et les chars canadiens commencent à arriver sur Maczuga, au grand soulagement de Stefanowicz. Soudain, un Panther isolé qui a avancé à couvert débouche dans la cour du manoir de Boisjos, ouvrant le feu sur l’hôpital polonais et sur les chars canadiens, avant de s’échapper en direction de Champosoult.
Il n’a pas le temps d’aller bien loin – un Sherman, embusqué derrière une haie, le prend pour cible. Dans l’échange qui suit les deux ennemis firent feu simultanément et se détruisent.
Ce devait être la dernière alerte. L’arrivée des Canadiens permet aux Polonais de percevoir le ravitaillement tant attendu et d’évacuer leurs blessés. En début d’après-midi, quelques groupes d’Allemands désespérés lancent encore quelques attaques locales dans le secteur tenu par le 1er régiment blindé mais, dorénavant ravitaillés, les tankistes polonais les repoussent facilement. Dans le courant de l’après-midi, les 2e et 9e SS-PzD reçoivent l’ordre de se retirer sur Champosoult, puis Vimoutiers : le 2e SS-PzKorps prend la route de la Seine.
La journée du 21 août se termine à nettoyer la poche et à recueillir les prisonniers, dont plusieurs centaines se rendirent aux ponts de Saint-Lambert. Plus de 700 autres se constituent prisonniers à Tournai, profitant de la médiation de l’abbé Launay. Quelques éléments isolés – dont au moins un Panther – réussissent encore à se faufiler, profitant de la confusion générale.
Le 22 août, à 4 heures du matin, les Canadiens de la 3e DI capturent encore une centaine d’Allemands dans la plaine. La Bataille de la Poche de Falaise-Chambois est terminée.
Bilan de la Bataille de la Poche de Falaise-Chambois
Lorsque les Canadiens de la 4e DB parviennent enfin à rejoindre les Polonais retranchés sur Maczuga, ils tombent sur les scènes d’une tragédie effroyable. Amoncelés de partout, des milliers de cadavres allemands, emmêlés avec les carcasses de véhicules calcinés, des débris d’équipement militaire de toute sorte, couvrent les champs et les vergers.
Chevaux morts, attelages, canons, chars éventrés, parsèment une campagne ravagée par l’artillerie, l’aviation et les armes automatiques. Par endroits, des soldat polonais et allemands gisent côte à côte.
L’odeur de sang et de mort commence à se répandre jusqu’à tout imprégner autour des points sanitaires improvisés dans des abris de fortune. Des Polonais originellement parvenus sur la colline, il reste 4 officiers valides sur 60 et 110 hommes aptes au combat sur 1 500. Sur 87 chars parvenus sur la « Massue », moins d’une trentaine est encore en état de combattre.
La cote 262, que les Polonais appelèrent Maczuga, devient ainsi pour les Canadiens the Polish Battlefield.
Dans Saint-Lambert-sur-Dives, où le groupe de combat du major Currie a détruit 7 chars ennemis, une dizaine de canons de 88 mm, et plus de 40 véhicules divers, le spectacle est semblable. Une dizaine de Sherman finissent de se consumer, les prisonniers s’entassent sous les vergers. Les blessés ont toutefois pu bénéficier de la relative continuité de la ligne de front pour être évacués auparavant.
La bataille terminée, l’heure des comptes arrive. Outre un constat d’horreur absolue, c’est le déséquilibre des pertes qui frappe le plus.
Chez les Alliés, on déplore :
- Pour la seule 1ère DB Polonaise, sur les sites de Chambois et de la cote 262 : 325 tués, 1 002 blessés, 114 disparus, soit 20% de l’effectif combattant ;
- Les 4e DB et 3e DI canadiennes comptent 260 hommes hors de combat ;
- Les 90e et 80e DI US annoncent 760 pertes pour la même période, mais ces chiffres comptent pour l’ensemble des zones d’opération d’Argentan à Chambois.
Par ailleurs, plus d’une centaine de victimes civiles sont à déplorer.
Chez les Allemands, les pertes sont difficiles à établir, la poche n’ayant pas été hermétiquement close jusqu’au bout des combats. Les estimations divergent donc, mais il est aujourd’hui généralement admis qu’entre le moment où les Polonais coupent la route Trun-Vimoutiers dans la nuit du 18 au 19 août, ce sont 100 000 Allemands qui se trouvent enfermés dans la poche.
Sur ce nombre, à la reddition des derniers groupes à Tournai-sur-Dives le matin du 22 août, près de 40 000 avaient réussi à s’échapper, 50 000 furent faits prisonniers, certainement près de 12 000 étant tués.
Les Allemands laissent dans la Poche de Falaise-Chambois, en plus des pertes humaines, la majeure partie de leur armement lourd, soit :
- plus de 200 chars ;
- près de 1 000 pièces d’artillerie (150 pour l’artillerie automotrice, 700 pour l’artillerie remorquée, et 100 canons de DCA) ;
- 130 autochenilles ;
- 5 000 autres véhicules automobiles.
À cela, il faut ajouter les moyens de transport hippomobile, encore majoritaires dans les divisions d’infanterie allemandes : près de 10 000 chevaux et 2 000 chariots.
La Bataille de la Poche de Falaise-Chambois n’est pas, comme le porte en titre un livre sur le sujet, un « Stalingrad en Normandie ». Entre le 14 août, date à laquelle Bradley arrête la progression de Patton vers le Nord, et le 22 août, plus de 100 000 Allemands réussissent à échapper aux Alliés.
Malgré cet échec relatif, malgré la lenteur avérée et les hésitations du haut commandement allié à réaliser l’encerclement, malgré l’absence de coordination entre les unités relevant des Britanniques et celles relevant des Américains, la Poche de Falaise-Chambois marque la fin de la Bataille de Normandie, précédant la retraite vers la Seine et la poursuite alliée vers le nord.
Quelques jours après la fin des combats, le général Eisenhower se rend sur ce qui, au prix de trop de sang, était devenu the Polish battlefield.
À la vue du spectacle macabre, le commandant suprême allié rapporte : « Il était possible pendant des centaines de mètres de ne marcher que sur des restes humains en décomposition, dans un silence pesant, dans une campagne luxuriante où toute vie avait brutalement cessé… C’est l’une des plus grandes tueries de la guerre ».
Adoptant un point de vue plus stratégique, Montgomery l’appele « le commencement de la fin de la guerre ».