Mémorial de Montormel

19 Août 1944 : La fermeture de la Poche

Deux chars du South Alberta de la 4ᵉ DB canadienne. © Public Archive of Canada

Saint-Lambert-sur-Dives

Le matin du 19 août, malgré des pertes croissantes, le groupe de Currie reprend son avance vers le pont de Saint-Lambert-sur-Dives. Cependant, il doit s’arrêter à moins de 1 000 m de la Dives en raison de la forte résistance de troupes allemandes, qui protègent le pont et les sorties vers les coteaux occupés par les Polonais. Malgré leurs efforts, les Canadiens sont contenus, étant donnée la très large domination numérique des défenseurs.

Au cours de la journée, les combats s’amplifient au point que Currie doit faire donner l’artillerie divisionnaire sur ses propres chars pour en ôter les soldats ennemis qui les submergent par grappes entières. Plus tard, la violence des attaques allemandes devient telle que ses chars doivent à se mitrailler mutuellement pour empêcher les fantassins allemands de fixer des charges explosives sur les coques.

Finalement, Currie doit se retirer vers son point de départ à l’entrée du village, dirigeant le feu de l’artillerie canadienne sur les positions allemandes autour du pont. Avec son groupe, il tient l’entrée occidentale de Saint-Lambert pendant les trois jours de la bataille, constituant une menace constante pour les unités allemandes en retraite, et recueillant de nombreux prisonniers.

Les Polonais approchent par le Nord

Sur le flanc nord de la Poche en formation, la 1ère division blindée polonaise a repris son avance. Koszutski et son groupe, toujours retardés par des problèmes de navigation, avec des approvisionnements limités, doivent faire face à l’infiltration continue des chars allemands et à la quantité élevée de prisonniers qui se rendent à lui.

Averti de sa situation inconfortable, Maczek décide d’employer ses régiments restants pour effectuer le mouvement sur Chambois et Maczuga. Il divise sa division entre une force Zgorzelski (24e lanciers et les 10e dragons) chargée d’occuper Chambois, et une force Stefanowicz (1er régiment blindé, 9e bataillon de chasseurs, et bataillon de chasseurs Podhale) destinée à se saisir de la colline 262.

Quant au 10e PSK, il est chargé de retourner à Chambois par la route qu’il a reconnue la veille.

L’attaque polonaise débute le matin et dès midi, le 10e PSK a capturé la colline 137, ouvrant la voie vers la cote 113 au nord-ouest de Chambois, où il établit des positions défensives dans l’après-midi. La capture de la colline 137 profite également à Stefanowicz, en lui ouvrant la route vers Coudehard ; après un bref échange de tirs avec les Allemands, Stefanowicz occupe Boisjos, puis l’intégralité de la colline 262 après que les Podhale ont annihilé sur son extrémité méridionale une compagnie allemande qui essaye de garder le contrôle de cette position à tout prix. Plus tard, son groupement est rejoint par Koszutski, enfin dégagé de la cote 240. 

Comme Maczek l’a envisagé, de leur sommet, les Polonais profitent d’une vue imprenable sur la vallée de la Dives. Le spectacle est néanmoins inquiétant : entre Saint-Lambert en flammes et Chambois, une fourmilière de soldats allemands semble monter vers eux. Par les vergers, les champs, dans chaque chemin, des convois hétéroclites s’assemblent et, sous le feu impitoyable de l’artillerie alliée, avancent résolument en direction des positions polonaises.

Au cours de la soirée, le 1er régiment blindé, ses canons orientés sur Chambois, détruit une importante colonne allemande qui essaye de sortir de la poche vers Vimoutiers : succès mitigé, dans la mesure où le feu et les véhicules détruits obstruent la route au point qu’il devient impossible d’atteindre la cote 262 sud ou de rejoindre Chambois.

Plus tard, quelques autres colonnes semblables sont détruites sur les contreforts ouest de la colline, mais le fait qu’elles empruntent les mêmes routes que les Polonais ont utilisées pour arriver sur Maczuga signifie sans équivoque que les positions du groupe Stefanowicz sont progressivement isolées. Au crépuscule, la destruction d’un convoi d’approvisionnement, détruit dans un guet-apens tendu par les Allemands, confirme aux 2 000 Polonais positionnés sur la colline qu’ils sont maintenant entourés par l’armée allemande.

© Stéphane Jonot
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Colonne allemande détruite sur Maczuga par le 1er RB. © NARA, Washington

Les plans allemands

En dépit de la rapide détérioration de la situation, devenue chaotique, le haut commandement allemand reçoit des rapports réguliers en provenance de ses unités.

Model, commandant du groupe d’armées B, réalise pleinement qu’en raison des errements des derniers jours, toutes les pièces d’un scénario catastrophe sont maintenant en place, avec ses deux armées menacées d’encerclement.

Il décide de conserver le 2e SS-PzKorps, qui a déjà évacué la poche au cours des journées précédentes, comme réserve. Ce corps blindé a été sérieusement diminué dans les combats précédents mais demeure organisé et apte au combat – le moment venu, il sera disponible pour intervenir contre les forces alliées en train de finaliser la fermeture de la poche de Falaise-Chambois.

Le 19 août, comme les Polonais ont coupé certaines des routes par lesquelles s’opére la retraite de ses unités et est en mesure d’atteindre des Américains dans Chambois, le plan de Model prit sa forme finale :

  • le 2e SS-PzKorps, lancerait une contre-attaque pour briser de l’extérieur l’anneau autour des forces allemandes emprisonnées dans la poche ;
  • le 2e corps de parachutistes (composé de la 3e division de parachutistes et de la 353e division d’infanterie), toujours emprisonné dans la poche, attaquerait simultanément pour atteindre les SS et ouvrir la voie pour les autres unités.

À l’origine programmée pour le 19 août, cette opération est remise au lendemain, les SS ayant besoin de temps pour se réapprovisionner, notamment en carburant. De son côté, dans la nuit du 19 au 20 août, le 2corps de parachutistes met à profit l’obscurité et glisse silencieusement par le pont de Saint-Lambert en direction de Coudehard. Dans les dernières heures de la nuit, il est en position, en contrebas de la colline 262, attendant l’attaque des SS pour déclencher son assaut.

Dans une maison à Chambois, le major Dull chef du 2d bataillon du 359th, fait un point de situation avec le 2d lieutenant Klaptocz du 10ᵉ dragon. © Arch. dép. Orne, 39 FI 36. NARA, Washington

Jonction à Chambois

Tandis que les unités polonaises approchent par le nord, l’espace entre Chambois et Le Bourg-Saint-Leénard, au sud, demeure ouvert.

La 90e division d’infanterie US doit avancer en provenance du Bourg-Saint-Léonard, mais en raison d’un malentendu dans les directives de l’armée américaine, ce n’est qu’au 19 août que son 359e régiment d’infanterie reçoit l’ordre de prendre Chambois.

À l’avant, le 2e bataillon atteint Fel dans l’après-midi, et est alors aux portes de Chambois. De son côté, la 2e DB française prend position entre Exmes et Oméel, sur les sorties est de la Poche. Cependant, souhaitant pouvoir se désengager du combat pour prendre à tout moment la route de Paris qui venait de se soulever, Leclerc ne détache pour cette mission que le seul groupe tactique Massu. Ce groupe limite son engagement à des patrouilles offensives, qui laissent néanmoins le flanc oriental de la poche largement ouvert.

Auteur des contenus : Jacques Wiacek