Cobra – La percée américaine
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Situation générale sur le front normand – fin juillet
Depuis le débarquement du 6 juin 1944, la progression alliée est conséquente, mais non décisive. Sur le flanc est de la tête de pont, la 2e Armée britannique (Dempsey) grâce à l’opération Goodwood capture la rive sud de l’Orne, à Caen, et tente sans grand succès de progresser sur la plaine qui se déroule jusqu’à Falaise.
A l’ouest, la 1ère Armée US (Bradley) use en trois semaines ses meilleures divisions dans des combats sanglants pour un gain territorial limité. Certes, elle a libéré tout le Cotentin et pris Cherbourg, mais sa progression vers le sud est fortement handicapée par le terrible bocage normand et les défenses adverses – les GI’s parlent à juste titre de la guerre des haies.
Malgré ce constat, la situation tourne irrémédiablement à la faveur des Anglo-Saxons. Au niveau des forces en présence, plus d’un million de soldats alliés ont débarqué en juillet, pour seulement quelques dizaines de milliers de renforts côté allemand.
Les soldats alliés ne sont pas seulement plus nombreux ; leur expérience et leur motivation ont augmenté. A l’inverse, les Allemands souffrent de leurs faibles réserves : les « vétérans » ne sont plus qu’une poignée, tandis que le gros de la troupe est formé de recrues jeunes et inexpérimentées.
Au niveau du matériel, 350 000 véhicules, 1,5 million de tonnes de munitions et d’équipements en tous genres ont été débarqués au 20 juillet par les ports artificiels ainsi que par Cherbourg, rendu opérationnel. Les Alliés reçoivent plusieurs milliers de chars neufs, tandis que les remplacements allemands se comptent en dizaines d’unités. Certes, la 503e s. Pz. Abt. vient d’arriver avec ses 45 Tiger II, modèle que ne peut défier aucun char allié, mais ce verre d’eau ne permet certainement pas éteindre l’incendie. Contre les 750 chars et 15 divisions déployés par Bradley le 24 juillet, les Allemands ne peuvent opposer que 150 blindés et 9 divisions.
Au niveau des tactiques, les militaires alliés ont très vite appris à s’adapter aux conditions du champ de bataille. Pour faire face au bocage, ils équipent leurs chars de mâchoires d’acier : ces Sherman Hedgecutters peuvent désormais passer les haies sans présenter leur ventre, partie la moins blindée, aux Panzerschreck et Panzerfaust allemands. Pour faire face à la supériorité qualitative des blindés allemands, ils disposent de l’appui de l’aviation. Cet appui peut être autant tactique (chasseurs-bombardiers P47 Thunderbolt ou Typhoon) que stratégique (recours aux bombardements stratégiques – carpet bombings). Au dessus de la Normandie, la Luftwaffe combat à un contre dix… Enfin, pour vaincre la capacité de mouvement de l’ennemi, ils poussent la mécanisation au point de se passer définitivement de la force hippomobile, tandis que les divisions d’infanterie allemandes y ont encore massivement recours. Les Alliés imposent désormais le rythme du combat.
Le fanatisme de divisions SS comme la Leibstandarte, la Das Reich ou encore la Hitlerjugend permet de surmonter en partie ces manques, mais il s’agit d’exceptions. Le recours à des unités d’Osttruppen, constituées d’anciens prisonniers issus de l’Armée Rouge, dont la motivation et la loyauté laissent perplexe, montre le dénuement de la Wehrmacht.
Enfin, que penser de la valeur combative de tous les enrôlés de force – Alsaciens, Lorrains, ou Silésiens – dont beaucoup déserteront à l’occasion des combats ?
L’opération Cobra
Prenant acte de l’échec de la guerre des haies, Bradley a commencé à préparer une opération d’envergure, qui se baserait sur l’expérience acquise dans les combats précédents.
Cette fois, Bradley vise un espace réduit, entre les rivières Vire et Lozon. Un bombardement massif doit toucher un périmètre restreint et éliminer toute défense allemande dans ce secteur.
L’infanterie tiendrait écartée les mâchoires de la trouée tandis que les blindés s’engouffreraient dans la brèche. Un assaut simultané des autres corps d’armée disponibles empêcherait les Allemands de se regrouper.
Après un faux départ le 24 juillet en raison du mauvais temps, l’attaque massive est lancée le 25 juillet. Entre La Chapelle-Enjuger et Hébécrevon, 1 900 bombardiers lourds ainsi que 600 bombardiers moyens et chasseurs bombardiers pilonnent pendant trois heures un terrain de 7×3 km, larguant plus de 4 000 Tonnes de bombes.
Si les premières lignes américaines sont également touchées, c’est l’enfer qui s’ouvre devant les Allemands : des fantassins sont enterrés vivants dans leur abris, les chars de 40 tonnes sont retournés comme des jouets. La division d’élite Panzer Lehr, qui avait donné tant de fil à retordre lors des opérations précédentes, est pratiquement anéantie ; les autres unités sont plus ou moins gravement touchées.
Une fois passé le choc du bombardement, l’infanterie américaine passe la journée du 25 juillet à ouvrir la voie aux blindés. L’effort principal porte sur le 7e Corps – ses 9e et 30e DI, au milieu du front américain, qui mènent de difficiles combats contre les troupes demeurées en état de combattre. Néanmoins, Bradley a vu juste : les forces allemandes qui n’ont pas été anéanties au cours du bombardement peuvent tout au plus essayer de s’accrocher au terrain, mais ne sont pas en état de porter des contre-attaques.
Jouant l’effet de masse, Bradley décide de jeter le 8e Corps de Middleton dans la bataille dès le 26 juillet afin d’empêcher tout transfert de troupes allemandes vers le secteur menacé. Le même jour, ses 2e et 3e divisions blindées remplacent les divisions d’infanterie en tant que fer de lance de l’attaque. La masse blindée emporte la décision, les chars réussissant à pénétrer profondément derrière les lignes allemandes : en soirée, n’ayant perdu guère plus d’une poignée de ses chars, la 2e division blindée a avancé de 10 kilomètres. Canisy est libéré le même jour.
Le 27 juillet, l’avance américaine représente 25 kilomètres, et la ruée ininterrompue des 2e et 3e divisions blindées encerclent progressivement les unités allemandes qui font face à l’attaque du 8e Corps, à l’ouest de l’assaut principal. Tandis que Middleton parvient à se saisir de Coutances, empêchant Von Choltitz de reconstruire une ligne de front avec les restes du 84e Corps, la 2e SS-PzD Das Reich est encerclée dans la poche de Roncey et voit plusieurs de ses unités détruites en tentant de s’échapper, entre Notre-Dame de Cenilly et Saint-Denis du Gast.
Les Américains continuent à pousser au sud. Le 30 juillet, ils occupent et dépassent Avranches. Le 31 juillet, par la prise du pont de Pontaubault, la porte de la Bretagne s’ouvre devant eux. De ce point, ils peuvent aisément contourner les Allemands, qui ont perdu l’adossement à l’océan. La percée tant recherchée s’est enfin réalisée !